Comment le sourcing IT peut aider à prendre le virage du numérique ?
L’évolution rapide de la technologie informatique et son omniprésence dans nos vies ont remodelé les fondements de la stratégie d’entreprise et du système d’information. D’Internet qui a bouleversé le paysage des affaires à l’ère de la Big Data et de l’Intelligence Artificielle qui accompagnent les décisions, le numérique s’est non seulement inscrit comme un outil essentiel, mais aussi comme un acteur principal dans la conception des produits, services et solutions d’entreprise.
En conséquence, les dirigeants d’aujourd’hui sont pris dans une tourmente décisionnelle : doivent-ils investir dans le développement interne de ces technologies, capitalisant sur la connaissance et l’adaptabilité spécifiques de leur entreprise ou doivent-ils chercher à l’extérieur, tirant parti de l’expertise et des économies d’échelles offertes par des acteurs spécialisés ?
Ce questionnement n’est pas nouveau. En effet le débat entre « Make » (faire) ou « Buy » (acheter) existe depuis que les entreprises ont commencé à externaliser certaines de leurs fonctions non essentielles. Mais à l’ère digitale, ce débat prend une nouvelle dimension. L’innovation technologique n’est plus simplement une fonction de soutien, elle accompagne souvent l’existence même de l’entreprise. Dans de tels scénarii, comment une entreprise décide-t-elle de la voie à suivre ?
L’intégration des solutions technologiques affecte non seulement la compétitivité et la viabilité des sociétés sur le marché, mais aussi leur culture, leur structure organisationnelle et leur relation avec leurs clients et partenaires. Alors que leur décision peut initialement être motivée par des considérations financières, elle a, en réalité, des implications plus vastes, touchant à la vision, la mission et la proposition de valeur fondamentale de chaque entreprise.
Tandis que certains préconisent l’innovation interne comme un moyen de conserver un avantage concurrentiel distinctif, d’autres soulignent la nécessité de rester agile et adaptable dans une sphère digitale en constante évolution. Cette approche peut se révéler plus efficace grâce à des partenariats stratégiques et de l’externalisation. Cette complexité, inhérente à la décision de « Make or Buy », soulève la question de savoir comment une société peut équilibrer au mieux ses priorités tout en restant compétitive et pertinente dans notre paysage technologique.
Examinons plus en détail les nuances, les avantages et les inconvénients de chaque approche et comment les DSI peuvent naviguer judicieusement dans ce terrain complexe pour définir leurs orientations stratégiques
L’Essence du « Make or Buy »
À première vue, le choix entre « Make » (création interne) et « Buy » (achat ou externalisation) pourrait sembler purement économique. En réalité, il dépasse largement la simple analyse des coûts et résonne au cœur de la mission, de la vision et des valeurs fondamentales d’une entreprise. Chaque décision prise dans ce cadre peut avoir de nombreux impacts qui se manifestent de diverses manières :
Impact sur le Cœur de Métier :
- Make: Quand une entreprise décide de développer une compétence ou un produit en interne, elle fait une déclaration audacieuse : « cette compétence est essentielle à notre identité et à notre proposition de valeur unique ».
- Buy: À l’inverse, en choisissant d’externaliser, l’entreprise pourrait soit reconnaître qu’elle n’a pas la capacité interne d’exceller dans cette fonction, soit estimer qu’elle n’est pas essentielle à sa proposition de valeur.
Gestion des Ressources : Cette question ne concerne pas seulement l’argent. En effet, les implications financières sont conséquentes. Mais au-delà de l’économie, le choix entre Make or Buy dicte la manière dont l’entreprise déploiera ses ressources humaines, intellectuelles, technologiques et même culturelles. Cela influence directement sa capacité à innover, à se différencier sur le marché et se lie à sa politique de gestion des Ressources Humaines.
Maîtrise des Risques :
- Make : Le choix d’assumer une compétence ou une technologie en interne implique souvent un investissement significatif, en termes de capital, mais également en formation, en R&D et en adaptation culturelle.
- Buy : Opter pour l’externalisation peut être une stratégie pour réduire le risque et profiter de l’expertise établie. Cependant, cela peut également introduire d’autres formes de risques : perte d’expertise et dépendance vis-à-vis du fournisseur, maîtrise forte du pilotage contractuel, gestion de possibles claims, problématiques en lien avec à la propriété intellectuelle, ou simples (mais lourds de répercussion) problèmes d’alignement culturel.
Flexibilité et Agilité : Dans un monde en mutation rapide, la capacité d’une entreprise à transformer son organisation en fonction des exigences changeantes du marché est inestimable. Parfois, la décision d’externaliser peut offrir une flexibilité à court terme, en permettant à l’entreprise d’ajuster ses dépenses en fonction de ses besoins. Cependant, le développement interne, bien que potentiellement plus lent au début, peut offrir une adaptabilité et une intégration plus profondes à long terme.
Positionnement sur le Marché et Image de Marque : Dans certains secteurs, la manière dont une entreprise répond au dilemme Make or Buy peut profondément influencer sa perception sur le marché. Une entreprise qui investit massivement dans la R&D et développe des technologies de pointe en interne pourrait être perçue comme innovante, leader d’opinion et engagée envers l’excellence. À l’inverse, une entreprise qui externalise intelligemment peut être vue comme agile, flexible et centrée sur son cœur de compétence.
Développement de Relations et Partenariats Stratégiques : L’acte d’externaliser peut parfois mener à des collaborations fructueuses, ouvrant des portes à des synergies, des co-entreprises, ou même des fusions et acquisitions. Ces partenariats peuvent à leur tour conduire à une innovation partagée, à des économies d’échelle et à un accès à de nouveaux marchés.
Enjeux Financiers : L’analyse des coûts associés au Make or Buy est complexe. Si l’externalisation peut offrir des économies immédiates, il est essentiel de considérer les coûts cachés ou à long terme, tels que les coûts de transition, les coûts d’intégration, ou les coûts liés à la gestion des fournisseurs. De même, le développement interne, bien que potentiellement coûteux à court terme, peut générer des rendements sur investissement significatifs, en particulier si cela conduit à des innovations ou des différenciations de marché qui offrent un avantage concurrentiel.
Les Complexités sous-jacentes
L’évolution du paysage technologique a intensifié les complexités sous-jacentes du dilemme Make or Buy. Aujourd’hui, les sociétés ne se contentent pas d’évaluer les coûts directs ; elles se doivent d’intégrer les implications en termes de sécurité, d’intégrité des données, d’interopérabilité et de durabilité.
Confidentialité et Sécurité des Données :
- Make : En gardant la maitrise de ses développements et production en interne, une entreprise pourrait avoir un meilleur contrôle sur la sécurité et la confidentialité des données, réduisant le risque de violations ou d’expositions indésirables.
- Buy : L’externalisation à des tiers nécessite une confiance robuste et souvent des accords stricts concernant la manipulation et le stockage des données.
Interopérabilité et Intégration :
- Make : Les solutions internes peuvent être conçues sur mesure pour s’intégrer parfaitement aux systèmes existants de l’entreprise, offrant une fluidité opérationnelle.
- Buy : L’utilisation de solutions externes peut parfois entraîner des défis d’intégration, nécessitant des adaptateurs ou des interfaces supplémentaires.
Durabilité et Responsabilité Sociale :
- Make : Les entreprises peuvent aligner directement le développement interne avec leurs valeurs et objectifs en matière de responsabilité sociale et environnementale.
- Buy : Lors de l’externalisation, il est crucial de s’associer à des fournisseurs qui respectent également ces valeurs, ce qui nécessite une diligence supplémentaire.
L’Humain derrière les Décisions
Derrière chaque décision de Make or Buy, il y a une dimension humaine. Le choix d’externaliser peut avoir un impact fort sur les employés, surtout s’ils perçoivent ce changement comme une menace pour leur sécurité d’emploi ou même pour sa valorisation.
D’autre part, le choix de développer en interne peut offrir des opportunités de formation, de croissance et d’innovation pour les équipes internes. Toutefois, le choix du « make » recouvre un investissement à moyen, long terme fort et onéreux et ne peut être décidé si trop en écart des activités cœurs de la société.
Le cas de Kodak : Un Cas d’Étude
L’histoire de Kodak est particulièrement édifiante lorsque l’on parle de la décision entre « Make » et « Buy » et illustre les conséquences potentielles d’un choix mal adapté à l’évolution du marché.
Contexte
Kodak, fondée en 1888, était autrefois le leader incontesté de l’industrie de la photographie. La société a révolutionné cette technologie en la rendant accessible au grand public. Cependant, malgré son héritage et son expertise, Kodak a déposé le bilan en 2012. Comment une telle grande entreprise a-t-elle pu s’effondrer et être rachetée par un groupe Taïwanais ?
Une partie de la réponse réside dans sa réponse au dilemme du « Make or Buy » face à l’avènement de la photographie numérique.
La Révolution Numérique
Bien que Kodak ait en fait inventé le premier appareil photo numérique en 1975, il a choisi de ne pas développer activement cette technologie de peur de cannibaliser ses ventes lucratives de films photographiques. Plutôt que de choisir l’option « Make » en développant activement la technologie numérique qu’ils avaient en main, ils ont opté pour une stratégie plus passive, laissant d’autres acteurs comme Sony et Canon dominer le marché naissant de la photographie numérique.
Défaillances du « Make or Buy » chez Kodak
- Manque de Vision Stratégique : malgré une invention révolutionnaire, Kodak n’a pas su reconnaître l’impact potentiel de la photographie numérique sur l’industrie, loupant ainsi, une stratégie de diversification. Au lieu d’investir dans le développement de cette nouvelle technologie, ils ont choisi de protéger leur cœur de métier existant.
- Inertie Culturelle : La culture d’entreprise de Kodak était profondément ancrée dans la photographie sur film, et ne cherchait pas à se réinventer. Cette inertie culturelle a empêché l’entreprise de pivoter efficacement vers le numérique et de comprendre les nouveaux usages.
- Opportunités Manquées : En ne choisissant pas l’option « Make » pour le développement numérique, Kodak a laissé échapper des opportunités massives de marché. Bien qu’ils aient tenté d’acheter (« Buy ») des technologies et des startups dans les années 2000 pour rattraper leur retard, ces efforts étaient trop peu, trop tard.
- Relation avec les Partenaires et Clients : En ne passant pas rapidement au numérique, Kodak a également perdu la confiance de ses partenaires et clients qui se sont tournés vers d’autres marques plus innovantes.
DRING !
Le dilemme du « Make or Buy » dépasse largement le cadre d’une simple décision financière ou opérationnelle. En réalité, il se positionne au cœur de la stratégie d’une entreprise, agissant comme un reflet fidèle de sa vision, de sa mission et de ses valeurs fondamentales, notamment dans le paysage numérique, un environnement qui ne cesse d’évoluer. Pour naviguer habilement dans cet univers mouvant, les entreprises ne doivent pas seulement considérer les aspects économiques, mais aussi les répercussions culturelles, les opportunités qui se présentent, ainsi que les risques associés à chaque choix.
Prenons l’exemple emblématique de Kodak. Malgré sa position dominante dans l’industrie photographique pendant de nombreuses décennies, Kodak a échoué à anticiper et à s’adapter aux évolutions technologiques du numérique. Son incapacité à répondre au dilemme du « Make or Buy » de manière stratégique et à intégrer efficacement les changements nécessaires a finalement conduit à son déclin. Ce cas illustre l’importance cruciale de la prise de décision éclairée et de la gestion proactive du changement.
L’outsourcing (l’externalisation), par exemple, bien que pouvant offrir flexibilité et expertise, nécessite une attention toute particulière à la gestion du changement. Même si une société décide d’externaliser certaines fonctions, elle ne doit pas négliger l’impact de cette décision sur ses salariés. Ces derniers, en tant que piliers de l’organisation, doivent être intégrés et impliqués dans le processus de transformation. Leur compréhension, leur adaptation et leur engagement sont cruciaux pour garantir le succès de toute stratégie d’externalisation. La gestion du changement ne doit pas être une réflexion après coup, mais plutôt une brique fondamentale, intégrée dès le début de tout processus décisionnel.
Pour finir, quelle que soit la voie choisie, que ce soit « Make » ou « Buy », la clé réside dans la capacité de l’entreprise à comprendre sa singularité, à évaluer ses forces et faiblesses et à anticiper les défis à venir. En fin de compte, la bonne décision sera celle qui, tout en étant alignée avec la vision stratégique de la société, souvent de son dirigeant, saura valoriser et mobiliser ses ressources humaines, reconnaissant leur rôle central dans la réalisation de ses ambitions futures.
Et vous, comment envisagez-vous de prendre votre prochain tournant ?
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